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Introduction

Contexte et thèse

“A quel point sommes-nous formaté.e.s à l’achat, à la dépense pour que ce soit finalement l’une des choses qui nous manquent le plus après des semaines passées à rester chez soi ? L’argent nous brûle-t-il les doigts à un degré tel que nous ne pouvions pas rester une journée de plus sans le donner avec plaisir à l’une des multi-nationales les plus puissantes de la planète ?”

La mode est l’une des industries les plus polluantes, avec entre 5 et 10% des émissions de CO2 mondiales, ainsi que d’un large rejet d’eaux usées, de produits toxiques et de plastique. Ce fait étant connu du grand public, un dilemme existentiel s’installe dans l’esprit des consommateurs ; entre l’envie de “shopper” ce pour quoi ils ont économisé, et la culpabilité d’investir dans l’inutile.

Le géant Vinted, plateforme de revente d'articles entre particuliers (principalement de seconde main), est un des exemples les plus probants de cette controverse. Depuis 4 mois, notre groupe a étudier les arguments des différents acteurs, analysé leurs points de vue, et enfin mis en page toutes les informations que nous avons récoltées.

Voici donc tout ce que nous avons pu trouver à ce sujet.

ARGUMENTATION

Arguments à l'appui

Avec plusieurs millions d’utilisateurs dans le monde, dont une grande partie en France, et évalué à plus d’un milliard d’euros, Vinted a fait rentrer le marché de la seconde main dans les habitudes de consommation des Français. En plus de réduire la consommation en vêtement de ses utilisateurs, Vinted a redoré l’image de la seconde main, donnant à nouveau envie aux gens d'aller dans des friperies, brocantes, magasins de troc, etc…

Mais alors, pourquoi Vinted est controversée ?

Malgré une image basée sur l’échange, Vinted reste une entreprise privée à but lucratif, dont le modèle économique est basé sur le caractère massif de consommation de seconde main.

En effet, le “but des utilisatrices est de faire de la place dans leur armoire pour pouvoir racheter toujours plus”. Outre cet appel à la surconsommation, l’envoie massif de colis fait de Vinted une entreprise assez polluante. Ce sont ces différents aspects, contrebalancés par les avantages “évidents” de la plateforme, qui la rendent si controversée.

Qui se proclame pour Vinted ?

D'abord, nous allons définir ce que nous appelons un acteur "pour" Vinted :

Les acteurs que nous allons vous présenter ont tous un avis sur la controverse, les acteurs "pour" étant ceux considérant Vinted comme une alternative écologique et/ou sociale à l'achat de vêtements neufs, les acteurs "contre" ceux qui critiquent la plateforme.

Nous pouvons maintenant commencer à vous les présenter.

Vinted (actif)

Face aux critiques écologiques autour du nombre très important de colis, Vinted répond être conscient de l’impact négatif mais y voit une opportunité d’influencer l’industrie logistique, en privilégiant des initiatives comme les emballages recyclés ou les transports à émission zéro.

Dans un rapport paru en 2023, la plateforme tente de quantifier son impact écologique, et estime que l’achat de vêtement de seconde main permet de réduire la quantité de CO2 par rapport à l’achat d’un article neuf.

Milda Mitkute (passif)

Pour la fondatrice de Vinted, la plateforme est une solution pour les gens qui veulent être plus respectueux de l’environnement sans réduire leur pouvoir d’achat.

Natasha Blanchard (actif)

Pour la directrice communication de Vinted, la vente de seconde main encourage les gens à acheter des produits de meilleure qualité en les faisant plus réfléchir à leurs achats

FFPAPF (passif)

Fédération Française du Prêt à Porter Féminin, partenaire des marques et entrepreneurs de la mode en France.

Sans prendre réellement parti pour la seconde main, les représentants de la FFPAPF écrivent quand même dans un rapport que la seconde main est l’offre qui combine le mieux le bénéfice prix et la volonté de consommer plus responsable, et parlent de Vinted comme d’un bon exemple de vente de seconde main.

Anne Beyaert-Geslin (passif)

sémioticienne et spécialiste du design

Elle a écrit un article scientifique sur ce qu’elle nomme les “valeurs prêtes à réaliser”. Pour elle, Vinted pousse à la déculpabilisation en permettant “d’acheter” certaines valeurs, écologiques et sociétales, à travers les produits.

Elodie Juge (hésitant)

chercheuse à l’université de Lille

Vinted peut servir d’école de commerce aux jeunes qui l’utilisent. Ils apprennent à gérer des biens et une certaine quantité d’argent, ainsi qu’à mettre en valeur leurs produits. Certains utilisateurs deviennent d’après elle des “conso-marchands”. En revanche, elle confirme que Vinted n’est pas une vraie solution écologique car elle peut pousser à la surconsommation.

IFM (hésitant)

L'institut français de la mode est une grande école privée qui fait de la recherche sur l’industrie de la mode

L’IFM a réalisé plusieurs sondages et recherches sur le sujet tout en essayant le plus possible de rester neutre, mais voit Vinted comme un des acteurs proposant une alternative éco-responsable à la mode “traditionnelle” car il crée un circuit de seconde-main, réduisant donc les achats de produits neufs, et trouve aussi positif les prix bien plus abordables. D’après Thomas Delattre, responsable d’études à l’IFM, l’essor de la seconde-main grâce à Vinted a diversifié le profil des consommateurs passant par des associations comme Emmaüs ou la Croix Rouge.

Ademe (passif)

Organisme public français intervenant dans la recherche et la diffusion d’information sur de nombreux thèmes environnementaux

L'Ademe rappelle que revendre un produit rallonge sa durée de vie, réduisant grandement la pollution, mais estime que l’accumulation de produits, même de seconde main, est un problème. Pour Pierre Galio, chef de service à l’Ademe, les plateformes comme Vinted sont excellentes pour le “désencombrement des intérieurs”, car des vêtements presque oubliés sont remis en circulation. En revanche, il pense que le comportement des utilisateurs devrait être repensé. “Comme c’est facile d’acheter et de vendre, on échange les biens tous les trois mois plutôt que de les conserver”. L’Ademe critique la rotation rapide des vêtements, qui augmente énormément la quantité d’emballage et de transports.

Emmaüs (actif)

Mouvement social cherchant des solutions permettant aux personnes victimes d’exclusions de redevenir acteur de la société.

La quantité des vêtements donnés à Emmaüs mais aussi aux autres associations similaires diminue, car les gens préfèrent vendre leurs articles quand ils ne sont pas trop abîmés. Or la plupart de ces associations subsistent en revendant (à des prix très bas) certains des vêtements qui leurs sont donnés. De plus, les dirigeants d’Emmaüs rappellent que leur association est strictement encadrée, contrairement à Vinted. Pour Valérie Fayard, directrice générale déléguée de l’association, on peut “faire autrement que de vendre sur ces plateformes”.

Zero Waste France (actif)

A la base association lanceuse d’alerte, elle mène maintenant de nombreuses actions écologiques autour du gaspillage.

Ayant d’abord identifié Vinted comme une solution de substitution à l’achat de vêtement neuf, Flore Berlingen, directrice de l’ONG, explique que l’association a ensuite réalisé que la plateforme pouvait pousser à “l’achat compulsif”, alors que la vrai façon de tendre vers une consommation plus écologique est de toujours se poser la question “Est-ce qu’on en a vraiment besoin ?”. De plus, la plateforme n'encourage pas la remise en main propre, et l’impact écologique des colis est jugé trop élevé par l’association. Elle encourage maintenant à éviter les plus grands sites de seconde main comme Vinted et à la place privilégier les boutiques de proximité.

Amis de la Terre France (passif)

A la base association engagée contre la société de consommation, elle essaye maintenant de montrer les alternatives possibles au modèle actuel.

Pour l’association, Vinted encourage la rotation rapide des modèles, à l’achat et la revente frénétique. De plus, ce genre d'entreprise permet au politiciens de donner l’illusion d’un changement en faveur de la transition écologique. Alma Dufour, chargée de campagne dans l’association, explique par exemple qu’en “conférant du pouvoir d’achat aux consommateurs, [...] Vinted encourage la rotation rapide de modèles”.

Ethique sur l'étiquette (passif)

Collectif essayant d’informer et de défendre le droit au travail, et promouvant un commerce moral et écologique, membre d'un réseau d’ONG européennes cherchant à améliorer les conditions de travail dans l’industrie du textile,

Cette association considère que Vinted ne va pas dans le sens de la prise de conscience sociale et économique, et incite à la consommation. En promouvant les professionnels et en empêchant l’échange direct entre deux personnes 6 , Vinted récupère d’après eux les pires travers du capitalisme. Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif, déplore que Vinted accentue la consommation et empêche “toute réflexion sur les besoins réels”.

Commerçants traditionnels de seconde main (passif)

Gérants de friperies, antiquaires, marchés aux puces, etc…

Malgré un renouveau de leur économie grâce au succès des sites de vente de seconde main, qui ont “déringardisé” leur activité, ces commerces sont en concurrence directe avec ces plateformes, qui leur retirent un nombre important de clients.

Anissa Pomies (passif)

enseignante chercheuse à l’EM Lyon Business School

Cette chercheuse explique que Vinted “prend par la main” les utilisateurs, et que l’ergonomie de la plateforme pousse à renouveler les transactions, en donnant l’impression de “jouer à la marchande”.

Cartographie des acteurs

Capture d'écran 2023-06-16 135657.png

Points de discorde

Ecologie

Vinted n’appuie pas réellement l’aspect écologique sur son site, mais ses dirigeants ont rappelé plusieurs fois que la seconde main permettait de ne pas avoir besoin de produire de nouveau vêtements, et donc réduisait l’utilisation de matières premières et de produits chimiques. Certaines associations comme l’IFM et l’Ademe confirment les bénéfices de ce genre de commerce, mais semblent hésitantes sur l’impact écologique total, à cause des colis entraînés par les échanges. De nombreuses associations pour la protection de l’environnement, comme Zero Waste France, semblent ainsi penser que l’impact des colis plus les transports “compense” les bénéfices de la seconde main. Toutes ces données sont extrêmement dures à quantifier, et relèvent plus du ressenti que de véritables investigations. L’impact écologique de la mode étant déjà différent de rapport en rapport, et essayer de calculer l’impact des colis et des transports semble impossible. Toutefois, si l’on se réfère au rapport de Vinted, acheter un article sur leur site permettrait d’économiser 1,8 kg d’équivalent de dioxyde de carbone.

Surconsommation

L’autre argument que l’on retrouve beaucoup est l’appel à la surconsommation. Amis de la Terre, Zero Waste, nombreuses sont les associations encourageant à être vigilant vis à vis de la plateforme, à ne pas tomber dans l’achat compulsif. Toutes ces organisations, ainsi que certains chercheurs, rappellent que l’achat de vêtements, ou même de biens en général, devrait faire l’objet d’une certaine réflexion, pour éviter tout achat inutile. L'ergonomie de la plateforme, mélangée au pouvoir d’achat qu’elle procure, semble en effet pousser ses utilisateurs à des achats inconsidérés, comme en attestent de nombreux témoignages.

Impact sociétale

Enfin, un troisième type d’argument, utilisé par de nombreux acteurs mais rarement leur préoccupation principale, est l’impact sociétal de Vinted. L’IFM considérait par exemple les prix de Vinted comme un point positif, car cela permettait aux gens peu aisés de tout de même avoir une large gamme de choix. La FFPAPF les rejoignait sur ce point, choisissant la seconde main comme meilleure offre rapport responsabilité/prix. Contre cela, les commerces plus “traditionnels”, qui rappellent qu’une partie de leur clientèle les abandonne, ou encore Emmaüs, qui redoute de manquer d’argent pour pourvoir à assez d’emploi pour les gens qui en ont besoin. Pour certains spécialistes, comme Elodie Juge, Vinted permet d'apprendre à gérer un budget. Mais pour d’autres, comme Anissa Pomies, cela risque au contraire de ramener à la surconsommation.

Chronologie

2008 :

Milda Mitkute, Lituanienne de 21 ans, déménage, et fonde Vinted
voulant se débarrasser du surplus de vêtement qui ne rentrait plus dans
son appartement.
 

2013 :

Effondrement du Rana Plaza, au Bangladesh, qui mène à une
prise de conscience et à un encadrement plus strict de l’industrie textile.
La seconde main commence alors à apparaître comme une alternative
plus éthique et écologique que le commerce traditionnel.
 

2016 :

L’entreprise est au bord de la faillite, son modèle économique est
complètement revu. Thomas Plantenga est nommé à la tête de
l’entreprise, et le succès revient.

2020 :

Après une courte période de fermeture liée au Covid, la
plateforme connaît un succès sans précédent, gagnant presque 10%
d’utilisateurs chaque mois début 2020, car Vinted permets de
commercer sans contact humain.
 

2022 :

L’Ademe sort un rapport sur la mode et la pollution qu’elle
entraîne, sans toutefois vraiment réussir à juger l’impact de Vinted.
 

2023 :

Vinted publie un rapport sur son impact écologique, et semble
démontrer qu’il est plutôt positif d’acheter un article sur le site, comparé
à l’achat de produits neufs, malgré les colis/transports nécessaires.
 

Sondage

Vinted étant utilisé principalement par les jeunes adultes, notre sujet nous a semblé adapté pour faire un sondage, et nous avons tenté d'interpréter les réponses que nous avons reçues. Nous avons réalisé un sondage auprès de notre entourage afin de connaître leur ressenti quant à Vinted et son utilisation. On remarque que Vinted est une application connue par pratiquement tout le monde et que les gens en ont plutôt une vision positive, mais cela s’explique peut-être par le type de personne à qui nous avons partagé le sondage (principalement des gens de notre âge, et ceux ayant répondu au sondage ont plus de chances de l’avoir fait justement parce qu’ils avaient une vision plutôt positive de Vinted).

Nombre de Pensez-vous que Vinted est une alternative écologique à l'achat de vêtements _.p

Les réponses à cette question nous ont confortées dans l'idée que notre controverse était bonne puisqu'au final, peu de gens avaient connaissance du réel impact écologique de Vinted.

Quelle est votre vision de Vinted _.png

Cela soutient le fait que Vinted est d'abord une application de seconde main qui vise à économiser et être écologique avant d'être un moyen discutable quant à son impact carbone lié aux colis ou encore l'addiction qu'il peut être créé chez chacun. Ainsi la plupart des gens sont prêts à utiliser Vinted pour donner une seconde vie à leurs vêtements sans penser aux autres conséquences qu'il pourrait y avoir (moins de dons pour les associations…).

Terminologie

Greenwashing : Procédé de marketing utilisé par une organisation/marque pour se donner une image trompeuse de responsabilité écologique.

Fast-fashion : Renouvellement rapide des vêtements à la vente dans les magasins, proposant des nouvelles collections tous les mois voire semaines.

Ultra fast-fashion : Concept similaire à la fast-fashion, mais en encore plus rapide: de nouvelles pièces de mode toutes les semaines voire tous les jours.

Slow fashion : Mouvement qui promeut une fabrication de vêtements, dans le respect de l'environnement, des travailleur.euse.s et des animaux. C'est une alternative à la fast fashion qui vise à limiter ses achats vestimentaires pour consommer moins mais mieux.

Upcycling : Consiste à trouver une nouvelle façon d’utiliser des vêtements/objets plutôt que de les jeter (transformer un jean en haut…) en les transformant et les adaptant au mieux.

ESS : Economie sociale et solidaire, un ensemble d’entreprises organisées coopérativement avec des fondations, associations sur un principe de solidarité et bénéficiant d’un cadre juridique.

Oniomanie : Trouble chroniques entraînant des comportements excessifs et non contrôlés vis-à-vis des achats et des dépenses.

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